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Maaaartin Duclos
19 octobre 2017

La disruption

La semaine dernière, votre chroniqueur a rencontré deux dirigeants, deux géants de la tech qui contrôlent à eux deux des entreprises d’une valeur estimée à 600 milliards de dollars. Dans les deux cas, la folie qu’ils ont déclenchée était de l’ordre de ce que l’on pourrait anticiper si Beyoncé arrivait en ville, le talent musical et le look en moins. Les étages de l’hôtel furent verrouillés par les services secrets, les corridors étaient encombrés de gens faisant la queue pour présenter une requête, et un patron de Wall Street s’est même infiltré dans une chambre pour pouvoir embrasser son idole. Le message des deux titans – attention, accrochez-vous – était impérieux. Au cours de la prochaine décennie, disent-ils, les secteurs conventionnels vont faire face aux assauts de concurrents venus de la tech, qui ont à leur disposition d’immenses ressources financières, des nouvelles technologies et des réserves massives de données. C’est un point de vue qui a aussi envahi les conseils d’administration des entreprises traditionnelles. S’enthousiasmer à propos de la réalité virtuelle et chanter les louanges de Jeff Bezos, le patron d’Amazon, est presque obligatoire. La notion de disruption, avec sa promesse d’en finir avec une situation existante – pour passer à une autre – est l’idée la plus à la mode dans les affaires en général depuis l’engouement fou pour les marchés émergents de la décennie passée. “La notion de disruption, avec sa promesse d’en finir avec une situation existante – pour passer à une autre – est l’idée la plus à la mode dans les affaires en général depuis l’engouement fou pour les marchés émergents de la décennie passée” Pourtant, une énigme persiste au cœur même de cette orthodoxie. Peu de patrons, dans le public ou le privé, s’attendent à ce que leur propre entreprise décline, et presque aucune société américaine n’est évaluée sur l’hypothèse que ses bénéfices vont diminuer. La révolution tech, semble-t-il, sera momentanée, sans danger, sans victimes. Quelque chose ne colle pas. Si la disruption se définit par des sociétés traditionnelles terrassées par des sociétés du numérique, il y a effectivement quelques cas. Ce mois-ci, la chaîne de magasins de jouets Toys “R” Us a fait faillite, comme beaucoup de détaillants de l’habillement et de la quincaillerie, mis à mal par le e-commerce. Le 23 août, les actions de l’agence de publicité WPP se sont effondrées quand elle a annoncé que ses clients réduisaient leurs dépenses en partie pour cause d’évolutions technologiques. Quelques jours plus tard, Amazon a finalisé l’acquisition de la chaîne d’épiceries Whole Foods et a réduit ses prix les plus élevés, semant la peur dans le secteur des supermarchés. Au moins six secteurs conventionnels ont été laminés par l’innovation numérique lors des deux dernières décennies : la musique, la location de vidéos, l’édition, les taxis, la presse et l’habillement. En termes financiers, les survivants ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Les bénéfices du New York Times sont 67 % plus bas qu’à son apogée. Constat similaire pour les librairies Barnes & Noble (76 %) et Universal Music (environ 40 %). Mais ces firmes et leurs semblables ne furent jamais très importantes. En 1997, quand Mark Zuckerberg avait 13 ans et que ces six secteurs étaient à leur apogée, ils ne contribuaient qu’à hauteur de 2 % aux bénéfices de l’indice des grandes entreprises américaines, le S&P 500. L’impact de la disruption numérique sur les revenus globaux est donc négligeable. Aux quatre coins de l’Amérique, les bénéfices sont élevés et stables, relativement au PIB. Si la disruption technologique devait infliger un nouveau coup encore plus dévastateur aux entreprises traditionnelles, on s’attendrait à voir beaucoup d’entre elles afficher des valorisations misérables car les investisseurs sanctionneraient l’effondrement de leurs dividendes. Quarante compagnies seulement de l’indice S&P 500 ont un ratio cours-bénéfices inférieur à 12, ce qui est un signe de déclin imminent. La répartition est la même qu’il y a vingt ans, et elle est moitié moins importante qu’il y a dix ans. “L’impact de la disruption numérique sur les revenus globaux est donc négligeable. Aux quatre coins de l’Amérique, les bénéfices sont élevés et stables, relativement au PIB” Deux secteurs seulement sont valorisés comme s’ils avaient déjà sombré. General Motors et Ford sont valorisées à seulement sept fois leurs bénéfices. Les investisseurs s’attendent à ce que le constructeur de voitures électriques Tesla prenne des parts de marchés, et à ce que les services de covoiturage réduisent la demande de voitures. Ensuite, les compagnies aériennes, qui valent une bouchée de pain, mais cela est dû au fait que le marché est rongé par une guerre des prix et la probabilité d’une régulation anti-trust encore plus sévère : il ne s’agit pas là de disruption. Beaucoup de secteurs que vous imaginez peut-être en plein dans le viseur de la Silicon Valley devraient en fait poursuivre gaiement leur cheminement. Considérez le cas de la télévision. Amazon, Netflix, YouTube et Apple y déversent de l’argent à flots pour acheter ou créer de nouvelles émissions. Certes, il y a des craintes de voir les téléspectateurs couper le cordon de la télévision par câble, mais les opérateurs du câble et les producteurs de contenus restent au total valorisés à 20 fois leurs bénéfices, ce qui signifie que leur cashflow va continuer à grimper. De la même façon, les chaînes d’hôtels, loin d’avoir été anéanties par Airbnb ou étranglées par les agences de voyages sur Internet, profitent des mêmes valorisations qu’il y a dix ans.

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Commentaires
Maaaartin Duclos
  • On a tous une vie, la mienne est un peu chiante. Informaticien en open space, j'ai forcément une vie de chiotte. Donc je m'exprime sur ma vie de super héros qui se vie la nuit ou en week-end, voir en vacances. Mais ne ratez pas un épisode car elle alors...
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