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Maaaartin Duclos
2 juin 2016

Les abbérations de la société

Face aux aberrations sociétales actuelles, encore trop nuisibles, se mêlent aujourd'hui de plus en plus des erreurs moins grossières, mais presque aussi fâcheuses, sur l'empirisme systématique que l'on s'efforce d'imposer aux observations sociales, surtout historiques, lorsqu'on y interdit dogmatiquement, à titre d'impartialité, l'emploi d'aucune théorie quelconque. Il serait difficile, sans doute, d'imaginer un dogme logique plus radicalement contraire au véritable esprit fondamental de la philosophie positive, aussi bien qu'au caractère spécial qu'il doit affecter dans l'étude propre des phénomènes sociaux. En quelque ordre de phénomènes que ce puisse être, même envers les plus simples, aucune véritable observation n'est possible qu'autant qu'elle est primitivement dirigée et finalement interprétée par une théorie quelconque: tel est, en effet, le besoin logique qui a déterminé, dans l'enfance de la raison humaine, le premier essor de la philosophie théologique, comme je l'ai établi dès le commencement de cet ouvrage, et comme je l'expliquerai bientôt d'une manière plus spéciale. Loin de dispenser aucunement de cette obligation fondamentale, la philosophie positive ne fait, au contraire, que la développer et la satisfaire de plus en plus, à mesure qu'elle multiplie et perfectionne les relations des phénomènes. Il est désormais évident, du point de vue vraiment scientifique, que toute observation isolée, entièrement empirique, est essentiellement oiseuse, et même radicalement incertaine: la science ne saurait employer que celles qui se rattachent, au moins hypothétiquement, à une loi quelconque; c'est une telle liaison qui constitue la principale différence caractéristique entre les observations des savans et celles du vulgaire, qui cependant embrassent essentiellement les mêmes faits, avec la seule distinction des points de vue; les observations autrement conduites ne peuvent servir tout au plus qu'à titre de matériaux provisoires, exigeant même le plus souvent une indispensable révision ultérieure. Une telle prescription logique doit, par sa nature, devenir d'autant plus irrésistible qu'il s'agit de phénomènes plus compliqués, où, sans la lumineuse indication d'une théorie préalable, d'ailleurs plus efficace quand elle est plus réelle, l'observateur ne saurait même le plus souvent ce qu'il doit regarder dans le fait qui s'accomplit sous ses yeux: c'est alors par la liaison des faits précédens qu'on apprend vraiment à voir les faits suivans. On ne peut, à cet égard, élever aucun doute en considérant successivement les études astronomiques, physiques, et chimiques, et surtout enfin les diverses études biologiques, où, en vertu de l'extrême complication des phénomènes, les bonnes observations sont si difficiles et encore si rares, précisément à cause de la plus grande imperfection des théories positives. En suivant cette irrésistible analogie scientifique, il est donc évident d'avance que les observations sociales quelconques, soit statiques, soit dynamiques, relatives au plus haut degré de complication possible des phénomènes naturels, doivent exiger, plus nécessairement encore que toutes les autres, l'emploi continu de théories fondamentales destinées à lier constamment les faits qui s'accomplissent aux faits accomplis; contrairement au précepte profondément irrationnel si doctoralement soutenu de nos jours, et dont l'application facile nous inonde de tant d'oiseuses descriptions. Plus on réfléchira sur ce sujet, plus on sentira nettement que, surtout en ce genre, mieux on aura lié entre eux les faits connus, mieux on pourra, non-seulement apprécier, mais même apercevoir, les faits encore inexplorés. Je conviens que, envers de tels phénomènes, encore plus qu'à l'égard de tous les autres, cette nécessité logique doit augmenter gravement l'immense difficulté fondamentale que présente déjà, par la nature du sujet, la première institution rationnelle de la sociologie positive, où l'on est ainsi obligé, en quelque sorte, de créer simultanément les observations et les lois, vu leur indispensable connexité, qui constitue une sorte de cercle vicieux, d'où l'on ne peut sortir qu'en se servant d'abord de matériaux mal élaborés et de doctrines mal conçues. L'ensemble de ce volume fera juger comment je me suis acquitté d'une fonction intellectuelle aussi délicate, dont la juste appréciation préalable me vaudra, j'espère, quelque indulgence. Quoi qu'il en soit, il est évident que l'absence de toute théorie positive est aujourd'hui ce qui rend les observations sociales si vagues et si incohérentes. Les faits ne manquent point, sans doute, puisque, dans cet ordre de phénomènes encore plus clairement qu'en aucun autre, les plus vulgaires sont nécessairement les plus importans, malgré les puériles prétentions des vains collecteurs d'anecdotes secrètes: mais ils restent profondément stériles, et même essentiellement inaperçus, quoique nous y soyons plongés, faute des dispositions intellectuelles et des indications spéculatives, indispensables à leur véritable exploration scientifique.

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Commentaires
Maaaartin Duclos
  • On a tous une vie, la mienne est un peu chiante. Informaticien en open space, j'ai forcément une vie de chiotte. Donc je m'exprime sur ma vie de super héros qui se vie la nuit ou en week-end, voir en vacances. Mais ne ratez pas un épisode car elle alors...
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